"On peut se battre à armes égales contre la mozzarella"
Concurrence, Maison du Gruyère en stand-by et restrictions de production: interview du président de l'Interprofession, Philippe Bardet.
RadioFr: La production de gruyère doit à nouveau être restreinte cette année, et les alpages ne seront pas épargnés...
Philippe Bardet: C'est triste que les alpages aient dû subir une restriction. Néanmoins, si on prend ces dernières années, on a tout le temps augmenté les quantités et on est aujourd'hui exactement dans les quantités produites en 2018 et 2019, où on produisait à 100%. Pendant toute la période du Covid, on était en sous-stock. On a donc voulu le reconstituer, mais on est allé trop vite à ce moment-là et on en paie les conséquences aujourd'hui.
Était-ce une erreur de produire autant de gruyère entre 2021 et 2022?
Oui. Le potentiel qu'on a donné à l'époque est de l'ordre de 33'000 tonnes, mais nous avons vendu entre 31'200 et 31'500 tonnes. La différence explique les restrictions. De plus, on doit assainir les stocks, car on a trop de vieux fromages.
Vous êtes parti chercher de nouveaux marchés, par exemple dans le nord de l'Europe. On voit que le Gruyère sponsorise des courses de ski de fond. Est-ce un marché prometteur?
Oui. Le seul souci qu'on a eu sur ces marchés-là est que les détaillants mettent un prix très haut, et c'est un peu dommage. Pour un produit ordinairement à 10 francs le kilo, ce dernier monte à l'équivalent de 50 francs dans ces pays. S'il était à 35 francs le kilo, on en vendrait davantage, parce que le client nordique apprécie beaucoup le gruyère. Il y a encore du potentiel à aller chercher.
En Suisse, le gruyère se vend bien, mais il est de plus en plus concurrencé par d'autres fromages moins chers, comme la mozzarella. Est-ce que ça vous inquiète?
La question du prix est toujours relative, car la mozzarella n'est pas tout le temps moins chère. Le gruyère reste un produit très abordable. Mais c'est vrai qu'il existe plein de recettes contenant du fromage dans lesquelles on ne pense pas à mettre du gruyère. C'est donc une bagarre constante pour rester présent. Pour y parvenir, on développe des recettes en collaboration avec des chefs de cuisine. En soi, nous sommes quand même bien distribués en Suisse et dans divers types de magasins, comme les détaillants ou les spécialistes fromagers. On peut se battre à armes égales contre la mozzarella.
La Maison du Gruyère aurait dû ouvrir cette année, mais aujourd'hui le premier coup de pioche n'a pas eu lieu. C'est pourtant l'un des sites les plus visités du canton, avec près de 190'000 visiteurs l'an dernier. Comment vivez-vous ça?
C'est triste pour tout le monde. Si vous venez ces jours, vous verrez qu'on est débordé par le nombre de visiteurs, et on aimerait les accueillir de la meilleure façon possible, mais ce n'est pas possible car on bute sur des démarches administratives qui sont, pour certaines, incompréhensibles [...] on veut se battre pour pouvoir inaugurer prochainement cette Maison du Gruyère. Il faudrait au plus tard une inauguration en 2028, parce qu'on a des installations vieillissantes et on veut que le site soit une vraie fromagerie, et pas Disneyland.
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